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Yasunari KAWABATA

prix Nobel 1968

 

Yasunari Kawabata naît en 1899 à Osaka, au Japon, au sein d’une famille prospère et cultivée. Son père, médecin, est un homme raffiné s’intéressant à la poésie et à la peinture. Mais l’enfance de Yasunari Kawabata est ponctuée par une série de pertes. En 1900, son père meurt de tuberculose. En 1902, sa mère succombe à la même maladie. L’enfant est donc recueilli par ses grands parents paternels. Cette transition marque le début d’une période relativement tranquille pour le jeune garçon. Sa grand-mère décède cependant en 1906, puis sa sœur en 1909. Yasunari Kawabata n’a que 9 ans. Il ne garde aucun souvenir de ses parents, ce qui explique le caractère rêveur et idéalisé de son imaginaire. Le sentiment de solitude craintive et de proximité avec la mort si présent dans son œuvre, provient sans doute de cette enfance troublée par la souffrance. Au cours de sa vie, Yasunari Kawabata adresse des lettres à ces parents dont il n’a aucun souvenir. Il ne parvient pas à les appeler « père » ou « mère », mais « mes défunts parents », « parents morts », « vous êtes pour moi aujourd’hui encore semblables au bruit du vent ou à la lumière de la lune».

Durant les huit années qui suivent la mort de sa grand-mère, Yasunari Kawabata reste avec son grand-père, aveugle et de santé fragile. Malgré ces difficultés, des liens très étroits se forment entre eux. Son grand-père s’éteint en 1914. La même année Yasunari Kawabata écrit son journal, simplement intitulé Journal de ma seizième année. Le texte, considéré comme sa première œuvre littéraire, est publié en 1925.

Yasunari Kawabata passe les six mois suivants chez son oncle, avant d’intégrer la pension de Ibargi en janvier 1915. En 1916, responsable de chambre à l’internat, il a sous sa responsabilité un jeune homme, Kiyono, auprès duquel il trouve l’amour, et qu’il appelle lui-même « mon amour homosexuel ». Cette relation est évoquée dans L’Adolescent (1948).

En 1919, âgé de 20 ans, il fréquente un cercle littéraire bienveillant et enthousiaste, qui se réunit dans un café à la mode. Il y fait la connaissance de Hatsuyo, une jeune serveuse et décide, à l’étonnement de ses amis, de l’épouser. Pourtant un mois après s’être engagée, Hatsuyo rompt les fiançailles sans explication claire.

Elle laissera néanmoins son empreinte dans l’écriture de Yasunari Kawabata, parmi les nombreux personnages féminins qui habitent ses livres, évoqués sur la surface du texte ou venant en hanter le fond. Sa poursuite d’une beauté idéale se révèle dans l’érotisme languissant de ses œuvres, où les corps sont physiquement éblouissants, mais fantasmés et inabordables. L’intimité sensuelle, physique et affective qui peut exister entre les personnages est délicatement établie dans chacun de ses textes. Cette vénération lyrique pour la beauté figure notamment dans Pays de Neige (1948), Le Lac (1954), Les Belles Endormies (1961) et Tampopo (1964)

En 1920 Yasunari Kawabata débute ses études de littérature à l’Université de Tokyo. Il achève sa licence en 1924 et avec un groupe de jeunes écrivains crée le journal Bungei-Jida (Les Annales Littéraires), qui devient l’organe du mouvement néo-sensualiste, influencé par l’avant-garde européenne. Sa première réussite critique est La Danseuse d’Izu en1925, inspirée par la beauté d’une danseuse de 14 ans. En 1926 il co-écrit le scénario du film muet de Kinugasa Teinosuke, Une page folle. La même année il se marie, mais refuse la paternité, disant « je ne peux pas supporter l’idée de jeter dans ce monde un orphelin comme moi ».

Les romans écrits par la suite, évoquent alors, en un style moderniste et fragmenté, la vie de bohème du quartier Est de Tokyo : Asakusa, connu pour ses geishas, ses bars, ses théâtres et ses prostituées. En 1935, Yasunari Kawabata entreprend la rédaction de Pays de Neige, un de ses romans le plus célèbres. Elu Président du Pen Club japonais en 1948, il y aide les écrivains débutants. Il publie de grands romans, nourris de descriptions fragiles de couleurs, de parfums, de fleurs et d’arbres, caractérisés par une douloureuse solitude. Parmi ces œuvres : Nuée d’oiseaux blancs (1949-1951), Le grondement de la montagne (1949-1954), Tristesse et Beauté ( 1961-1965 ).

Les récits de Yasunari Kawabata représentent surtout deux tendances : l’une retraçant les esthétiques raffinées d’un Japon immémorial et traditionnel, l’autre évoquant un Japon en pleine modernisation et orientant son regard vers l’Europe. Bien que son écriture évoque la prose japonaise de 17ème siècle et le Renga (vers liés) du 15ème siècle, les marques de la modernité brisent les textes de Yasunari Kawabata, rendant ainsi leur tonalité plus contemporaine.

Pendant les années 1960 Yasunari Kawabata anime une série de conférences dans les universités américaines. En 1968 il reçoit le Prix Nobel de Littérature, ce qui contribue énormément à la connaissance de son œuvre en Occident.

En 1970 son ami, l’écrivain Yushio Mishima se tue par seppuku. En 1972, après des années d’une santé mauvaise, Yasunari Kawabata se donne la mort. Il ne laisse pas d’explication.

Les Belles Endormies par Yasunari Kawabata

Les Belles Endormies, publié en 1961, reste un des textes les plus hypnotiques et séduisants de Yasunari Kawabata. Le vieil Eguchi, 67 ans, cherche une façon de redécouvrir le plaisir physique de la jeunesse, désormais perdu. Il est accueilli dans la maison des belles endormies, demeure mystérieuse où des jeunes filles, plongées dans un profond sommeil narcotique, attendent la visite nocturne des vieillards. Les filles ensommeillées, éveillent la présence silencieuse et assoupie de la mémoire. Les souvenirs et les pensées rêveuses d’Eguchi se déroulent comme les membres détendus des filles adolescentes. Ce texte est empreint de descriptions d’une sensualité fragile, de couleurs, de parfums, de la douceur des caresses. Lieu de repos et lieu de mémoire, la chambre si exquisément décrite laisse pourtant la sensation d’une tombe de corps embaumés. La maison des belles endormies offre le sommeil qui enchante comme un charme, mais rapproche de la mort bien plus que le vieil Eguchi ne l’aurait imaginé.